Les murs de mon appartement ont longtemps été tapissés de souvenirs d’ailleurs. Et parmi ces dizaines de clichés, plusieurs avaient été pris au Pérou, à la cité sacrée des Incas : le Machu Picchu.

Je me souviens que nous avons pris un vieil autobus pour rejoindre la cité. La montée vertigineuse avait duré 20 minutes à partir du village d’Aguas Calientes. Arrivés en haut, nous avons été foudroyés par la splendeur et l’immensité de ce sanctuaire dissimulé sur une colline étroite aux falaises à pic, entre les sommets de 2 montagnes des Andes, à 2430 mètres d’altitude…

Des maisons en pierres datant du XVe siècle, des plateformes pour l’agriculture, des murs bien droits de pierres … presque rondes…(!), des escaliers finement sculptés, un cimetière, des greniers, un système d’égouts, un puit, bref, une cité fonctionnelle de plus de 500 ans, sur 32 000 hectares dans une forêt dense.

Routeserpentine

Expérience touchante que d’imaginer une société organisée et autosuffisante de 1200 personnes dans cet environnement accidenté, mais oh combien grandiose. Vivre dans la cité sacrée du Machu Picchu, c’était se protéger de l’ennemi espagnol mais aussi, se rapprocher des Dieux. Il est vrai qu’entourés d’une végétation luxuriante et de sommets aussi majestueux, on a presque l’impression de toucher à l’au-delà.

Les nuages au bout des doigts, le Machu Picchu doit toutefois s’apprécier les pieds sur terre. Ceux qui l’ont construite possédaient des techniques bien précises et certaines nous sont toujours inconnues. Il reste encore beaucoup à comprendre du génie inca!

Machugénéral

Comment les Incas ont-ils construit cette cité, résistant aux tremblements de terre avec les outils des années 1400 ? Comment transporter en hauteur des blocs de granit de plusieurs tonnes ? Pourquoi elle-t-elle été abandonnée ? Quelle était sa fonction ? Un temple ? Une forteresse ?

Ce lieu stratégique n’a jamais été découvert par les Espagnols et les peuples autochtones s’en vantent avec raison. C’est un explorateur américain Hiram Bingham, dirigé par un guide péruvien et un enfant des Andes, qui a rejoint ce joyau architectural pour lui conférer sa renommée mondiale. Lors de sa découverte, 2 paysans péruviens y pratiquaient toujours l’agriculture. À 2400 mètres d’altitude!

Au moment de notre visite, nous avons marché, avec seuls quelques alpacas pour nous guider. Nous nous sommes arrêtés longuement pour contempler ce chef d’œuvre. Sans barrière. En toute liberté. Comme au temps de sa découverte. Dans le silence.

Machu-Arbre

Le silence. Le temps de visiter. Le contact direct avec la vieille pierre.

C’était il y a quelques années.

Aujourd’hui, on fait la file par milliers pour voir le site emblématique du Pérou.  Cet été, des festivités ont souligné les 100 ans de sa découverte. Le nombre d’agences qui vous y mène s’est multiplié ce qui provoque un achalandage parfois agressant, selon l’heure des visites. Impossible de prendre une photo sans avoir la casquette rouge d’un touriste dans le cadre et difficile de s’immobiliser pour contempler cette merveille du monde. Quand la foule s’entasse, les gardiens ont du mal à effectuer une surveillance adéquate. Des touristes grimpent sur les murs pour prendre des photos, empruntent les sentiers interdits, qui s’abîment petit à petit. On dépasse souvent le nombre de 3 000 visiteurs par jour. Et en aout 2012 le gouvernement péruvien à annoncé la construction d’un aéroport à Cusco pour stimuler le tourisme dans la région… Inquiétant.

Si le gouvernement péruvien n’encadre pas davantage l’accès au site, en contrôlant l’afflux des visiteurs et que ces derniers ne sont pas plus responsables, c’est non seulement sa beauté mais son caractère sacré qui sera ébranlé. Les trésors du passé sont d’une grande valeur. Prudence avant de commettre l’irréparable!

Que les Incas sortent de leur tombeau pour nous dicter la bonne conduite. Et que le Machu Picchu ne devienne pas un Disneyland andin.

Huayna Picchu