L’incompréhension, la frustration, parfois les interprétations trompeuses : tout cela fait partie des sentiments troubles que nous ressentons tous en apprenant jour après jour, ce que dévoile la Commission Charbonneau. Histoire de ne pas trop se laisser porter par des réactions hyper-émotives (comme j’ai tendance à le faire !), j’ai posé 5 questions toutes simples à Me Véronique Robert, criminaliste et avocate ayant déjà travaillé sur la Commission Gomery. Ces réponses pourraient peut-être, vous aussi, vous aider à mieux comprendre la Commission Charbonneau.
1. Me Véronique Robert, le Québec entier assiste avec abhération à la Commission Charbonneau, en direct quotidiennement. Les noms et détails échappent au grand public, certes. Mais nous comprenons tous que plusieurs témoins, (dont certains sont salués et applaudis lors d’apparitions publiques), ont eux mêmes admis avoir commis, différents actes criminels, notamment de fraude.
Est-ce que leurs témoignages pourront servir lors de leurs procès ? A votre avis, est-ce qu’il y aura des procès, d’abord ? Est-ce que certains de ces témoins se retrouveront derrière les barreaux ?
“Ils ont une immunité, comme dans n’importe quel procès criminel. Ce que ça signifie concrètement, c’est que leur seul témoignage ne pourra servir de preuve contre eux. Ils ne pourront pas être accusés devant une instance criminelle sur la seule base de ce témoignage.
Pour porter contre eux des accusations, il faudra que les corps policiers aient obtenu, indépendamment de leur témoignage, une preuve suffisante pour les accuser.
Bref, il est faux de dire que dès lors qu’un témoin dépose devant une commission d’enquête, il ne peut d’aucune manière faire l’objet d’une poursuite criminelle par la suite.
Pensons simplement à certains publicitaires qui, après la commission Gomery, ont été poursuivis, et condamnés.”
2. Vous me dites que même si les témoins ont ADMIS avoir commis certains crimes, les policiers devront trouver d’autres preuves pour déposer des accusations criminelles ?
“C’est bien ça ! Ce qu’ils disent est protégé par l’immunité. Il faut ajouter des preuves indépendantes…”
3. Une fois la Commission terminée, que se passe-t-il concrètement ? L’étape suivante, quelle est-elle ?
“Il y aura d’abord la rédaction du rapport de l’honorable France Charbonneau, puis des mesures prises par le gouvernement pour accéder aux recommandations incluses dans ce rapport.
Il y aura sans doute, parallèlement, des poursuites criminelles entreprises contre certains protagonistes.”
4. Rizutto est sorti de prison et est libre comme l’air à Montréal, dans cette période particulièrement sensible au Québec. Est-il surveillé ?
“Personnellement, je serais bien étonnée que les policiers ne le surveillent pas le moins du monde ! Ceci dit, il n’est pas en libération conditionnelle, et il n’a pas à se rapporter à un agent de surveillance.
Sa condamnation relevait de la justice américaine, et sa peine est purgée en totalité….”
5. Est-ce que des membres présumés de la mafia ou d’autres formes de crime organisé comme les motards pourraient être appelés à témoigner devant cette Commission ?
“Oui, il est fort probable que certains suspects, peut-être même des gens accusés actuellement dans des instances judiciaires criminelles, aient déjà reçu une citation à comparaître (un subpoena) de la Commission.
Si ces gens sont détenus, ils comparaîtront accompagnés d’agents des services correctionnels.
Il faut toutefois s’attendre à ce qu’ils ne comparaissent qu’après avoir épuisé tous les recours possible pour ne pas avoir à le faire…
Car ces gens, que les accusations contre eux soient fondées ou non, ne sont pas comme les fonctionnaires: ils vont tout faire ce qui est en leur pouvoir pour ne pas témoigner. Ils n’ont pas la mentalité de la délation et n’ont pas l’habitude de collaborer avec les autorités…”
Me Véronique Robert, merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions qui m’habitent, parmi tant d’autres!
Vous pouvez lire Me Véronique Robert sur le blog de Voir.ca et sur son blog personnel, Le droit au Silence.